Carnet de route

Refuge/bivouac de Chalance par le collet de Porteras & Les Rouies-Arête SO

Le 05/07/2025 par Germain Pierre

Il y a des courses qu’on coche depuis longtemps sur la carte et qui, au moment de partir, révèlent bien plus que ce qu’on imaginait...

Celle de ce week-end se déroule en deux temps : 

Avec Michael, Lucie et Walter, on avait décidé de profiter d’un week-end annoncé sous de bons auspices pour aller chercher ce sommet habituellement très fréquenté par sa voie normale, et redouté par l'une des voies la plus accidentogène "la mafia. pour nous ce sera une itinéraire deux fois détourné qui avait tout d’un plan “simple et malin” : laisser la voiture au Gioberney, rejoindre le refuge de Chalance par le collet de Porteras le samedi, grimper l’arête sud-ouest des Rouies le lendemain, puis redescendre tranquillement à la voiture par un "petit raccourcis" à travers les alpages.

Sur le papier, tout était fluide. Sur le terrain, on s’est vite rendu compte que ce fameux “collet de Porteras” était déjà une véritable course d’alpinisme.

La montée depuis la vallée est douce, presque bucolique, les alpages baignés de lumière et les premières pentes fleuries donnent une impression trompeuse de facilité. Mais dès que la muraille se dessine, on comprend que la suite demandera plus d’attention. Après moultes hésitations, on choisit, comme ceux avant nous, le détour par le point 3022, ne sachant pas si la ligne directe “tout droit à gauche de la petite pointe” sort vraiment. Plus tard, arrivé au col, je monte jeter un œil : en fait, ça passe…

La descente pas évidente, elle, nous réserve sa petite surprise. Les névés encore présents déversent une cascade glaciale sur la rampe. Le rocher est trempé, la dalle luisante, glissante et le vide au bout. Impossible de passer comme si de rien n’était : on se retrouve à tirer une longueur délicate, un passage “bien merdique” qui nous vole une heure entière. Sûr qu’à sec, on aurait plié l’affaire en dix secondes…

Mais c’est aussi ça, la montagne : improviser, s’adapter, et râler un peu en rigolant.

Plus bas, le terrain redevient plus doux, et nous atteignons enfin le refuge par la rampe de la ligne de côte à 2650 m, un joli balcon suspendu au-dessus de la vallée.

je comprends les précédents qui ont eu l’impression d'avoir franchi une sorte de faille spatio-temporelle, nous avons quitté la voiture il y a des heures, mais on a déjà la sensation d’avoir vécu une petite expédition.

Il est 21h quand nous arrivons enfin au refuge....

Une ambiance inattendue nous accueille : quelques randonneurs ont improvisé un “apéro refuge” !

On s’installe, on partage un peu de cette atmosphère détendue, puis on file préparer notre repas et les sacs pour le lendemain. L’heure tourne : il est presque 23h quand on éteint les frontales. Le réveil, lui, sonnera à 4h. Autant dire que la nuit sera plus une sieste qu’un vrai repos.

La journée de la veille et la courte nuit aurons raisons de la motivation de Walter qui préfère rester redescendre avec les randonneurs. il emportera quand même tout le matos pour une cordée complète ce qui fera un sac bien bien lesté !

Le matin venu, le regel nocturne est correct, assez pour rassurer. L’approche se fait dans une ambiance d’éclaircies et de nuages légers, une lumière changeante qui rend l’arête tantôt austère, tantôt presque accueillante. L’accès au rappel avant l’Aiguille des Saffres est un peu plus délicat qu’annoncé, surtout sur les derniers mètres, mais un rappel de 30 m nous dépose juste derrière la rimaye. “Juste juste”, plus tard dans la saison, ce ne sera sûrement plus aussi simple. En face nord, le glacier est bouché, les crampons mordent bien et on rejoint facilement le col des neiges ou nous attend l'arête SO proprement dite.

Le début est superbe, un rocher franc, une ambiance aérienne qui fait oublier tout le reste. Le milieu, moins joli, offre un rocher un peu pourri si l’on s’aventure sur les gradins “faciles”. Mais en restant sur le fil, on retrouve un rocher solide qui rend le chemin plus exigeant, mais tellement plus agréable. La fin est un régal, le sommet se rapproche, la vue s’ouvre et se referme au gré des nuages, et le silence des Rouies nous enveloppe quand nous arrivons au sommet à 14h, seuls.

La descente, comme souvent, est une autre histoire. La partie glacière déroule bien, on suit la véritable tranchée laissée par les aficionados de la voie normale puis quand on enlève les crampons et arrivent dans les alpages, on tente de couper, de chercher une ligne plus directe comme sur une trace que j'ai récupérée.

Mais entre torrents, moraines instables et hésitations d’itinéraire, le temps qu’on pensait gagner s’évapore dans la recherche de passages. Peu importe. Le décor est splendide, la montagne est silencieuse, et on ne croise personne.

En posant enfin le sac au parking du chalet-hôtel du Gioberney, une impression reste : celle d’une course complète, riche, bien plus engagée que sa modeste cotation ne le laisse croire.

Une de ces journées qui donnent l’impression d’avoir voyagé loin sans jamais quitter les Écrins.

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